Hamilton Alexander Madison James Jay John – Le Fédéraliste (1792) (tome second)

Hamilton Alexander Madison James Jay John - Le Fédéraliste (1792) 2 - Bibliothèque numérique romande - Maquette Laura Barr-WellsHamilton Alexander Madison James Jay John – Le Fédéraliste (1792) (tome second) :  Le Fédéraliste, ou Collection de quelques Écrits en faveur de la Constitution proposée aux États-Unis de l’Amérique, par la Convention convoquée en 1787, publiés par MM. Hamilton, Madisson [sic] et Gay [sic], Paris, Buisson, 1792, vol. 2.

Les 85 articles du Fédéraliste représentent un tour de force aussi bien politique qu’intellectuel. Dans leur analyse de la nouvelle constitution, les auteurs défendent avec brio un document non pas idéal, mais nécessaire à leurs yeux pour former «a more perfect union». Le texte constitutionnel voté à Philadelphie en septembre 1787 tente en effet de concilier les petits et les grands États, ceux du Nord et ceux du Sud. Il est donc le fruit de multiples compromis, au premier rang desquels figure la question délicate de la représentation politique. Or celle-ci, explique Magali Bessone, «est compliquée par l’hésitation qui touche le statut à la fois ontologique et politique d’une certaine catégorie “d’autres personnes”, les esclaves, à propos desquels les Constituants proposent un compromis tristement célèbre, connu sous le nom de “clause des trois-cinquièmes”.»

Cette concession majeure aux États du Sud, exposée dans le chapitre 54, permettait en effet à la minorité blanche de ces États, plus populeux que ceux du Nord, de comptabiliser leurs esclaves à raison de trois cinquièmes d’un homme libre, ce qui leur assurait une très forte représentation à la Chambre des Représentants. Cette clause infâme, révoquée en 1868 mais perpétuée par les lois ségrégationnistes de «Jim Crow», n’en finit pas de marquer douloureusement la société américaine.

Les circonstances qui entourent la traduction et la réception du Fédéraliste ne sont pas sans intérêt. Selon l’historien Antonio de Francesco, l’original aurait été introduit en France en janvier 1792 par Gouverneur Morris, signataire de la constitution, proche ami de Hamilton et ministre plénipotentiaire nouvellement nommé à Paris. La traduction, aussitôt mise en chantier, le fut vraisemblablement à l’initiative de Lafayette, pour qui «l’ouvrage incarnait […] la possibilité de stabiliser une monarchie libérale qui semblait en proie à l’initiative des jacobins» (de Francesco). Le projet fut cependant pris de court par les événements: lorsque parut la traduction en été 1792, au lendemain du massacre des Tuileries (10 août 1792), il était trop tard pour sauver la monarchie. Le Fédéraliste fut pourtant favorablement accueilli dans la presse et même cité à l’Assemblée, qui décerna à Hamilton et Madison le titre honorifique de Citoyens français. Mais avec la montée du jacobinisme et de la Terreur, l’ouvrage devint suspect. Son traducteur «officiel», Trudaine de la Sablière, patriote de la première heure et partisan de la monarchie constitutionnelle, fut jugé pour opinions antirévolutionnaires et actes de sédition. Il mourut sur l’échafaud le 26 juillet 1794, à l’âge de 28 ans. Après la mort de Robespierre, survenue quelques jours plus tard, le Fédéraliste connut un modeste regain de fortune. En 1795 parut une seconde impression qui corrigeait notamment les noms de Madison et de Jay sur la page de titre. Mais en définitive, l’ouvrage n’eut qu’une influence limitée sur le débat politique en France. Aux États-Unis, sa postérité fut tout autre puisque le Federalist constitue aujourd’hui encore l’un des trois piliers de la pensée politique américaine. Dans le climat de crise constitutionnelle qui couve actuellement outre-Atlantique, ces essais, vieux de plus de deux siècles, sont non seulement riches d’enseignement, mais résonnent d’une urgence qui va croissant: «Pendant la durée de sa Magistrature, il [le président] est soumis aux accusations, aux jugements, il peut être démis de sa place, convaincu d’incapacité à remplir aucuns offices, il peut enfin par le cours ordinaire de la loi, être privé de son état et de la vie. La Convention ne s’en est pas tenue à ces précautions, dans le peu d’occasions où l’on pouvait prévoir la possibilité que le Magistrat abusât de son pouvoir, il est soumis à la sanction et à la révision d’une partie de la Législature. Que peut désirer de plus une Nation éclairée et raisonnable?» (chapitre 77) {Sources: Magali Bessone, «L’institution républicaine du politique», La Vie des idées, 6 septembre 2013. [http://www.laviedesidees.fr/L-institution-republicaine-du-politique.html]; Antonio de Francesco, «Traduire pour stabiliser. L’exemple des ouvrages américains parus en français à la veille de la République, printemps-été 1792 », La Révolution française [En ligne], 12 | 2017, mis en ligne le 15 septembre 2017, consulté le 16 juin 2018. [http://journals.openedition.org/lrf/1780 ; DOI : 10.4000/lrf.1780].}

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