Staël-Holstein Germaine de – Considérations sur les principaux événemens de la révolution françoise (parties 1-3) : « Née le 22 avril 1766, rue de Cléry, à Paris, Anne Louise Germaine Necker avait huit ans lorsque Louis XVI fut couronné et vingt-six au moment où tomba la tête de Louis Capet. C’est dire qu’elle a déroulé ses années d’enfance et de jeunesse au crépuscule de l’Ancien Régime et au cœur de la Révolution. » (Winock 15) En 1789, Germaine Necker de Staël a donc vingt-trois ans. Issue de la classe bourgeoise, fille unique du banquier genevois Jacques Necker, directeur des Finances de Louis XVI, elle est depuis trois ans l’épouse du baron Magnus de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède, de 27 ans son aîné. Bien que ce mariage de raison lui ait apporté son titre de noblesse, elle a conscience d’appartenir depuis toujours à cette aristocratie de l’esprit qui fait d’elle une authentique héritière des Lumières.
Virtuose de la conversation, férue de littérature et d’histoire, passionnée de philosophie politique, auteure à vingt-deux ans d’un ouvrage remarqué sur Rousseau, la jeune et riche baronne partage son temps entre Paris et Versailles et se trouve donc idéalement située pour prendre la mesure des événements qui vont changer son destin et celui de la France. Si elle entretient des relations difficiles avec sa mère, une Vaudoise très cultivée dont le salon fut l’un des derniers grands salons de l’époque prérévolutionnaire, elle voue à son père un véritable culte qui l’amènera à lui consacrer plusieurs ouvrages. Les Considérations sont de ceux-là. L’essai, conçu initialement comme un vibrant hommage à Jacques Necker, se présente comme une vaste fresque historique assortie de détails personnels qui donnent tout leur sel à ces réflexions.
Brillante, ambitieuse, mais limitée dans son champ d’action par son sexe, Mme de Staël se contente d’abord d’être une observatrice privilégiée de la Révolution. À Versailles, où elle passe beaucoup de temps auprès de son père ministre, elle assiste pleine d’espoir à l’ouverture des États généraux le 5 mai 1789. Les 5 et 6 octobre, elle est à nouveau aux premières loges quand le peuple de Paris envahit le palais et ramène la famille royale sous escorte aux Tuileries. Très attachée aux idéaux de 1789, elle ne manque aucune séance de l’Assemblée et suit avec passion les débats qui opposent les jacobins aux constitutionnels, partisans comme elle d’une monarchie parlementaire. Mais en 1792, lorsque la France bascule dans la folie meurtrière, elle ne peut plus se limiter à son rôle de simple témoin. En août, alors qu’elle est enceinte de son deuxième fils, elle retarde courageusement son départ pour la Suisse afin d’arracher deux de ses amis à une mort certaine. Elle sauve également son amant Narbonne, ex-ministre de la Guerre de Louis XVI, et le fait passer en Angleterre au péril de sa propre vie. Le 2 septembre cependant, au moment où elle s’apprête elle-même à quitter Paris, sa voiture est arrêtée place de Grève et encerclée par une foule vociférante. Conduite sous les menaces de mort à l’Hôtel de Ville, elle n’en réchappe que de justesse grâce la bienveillance d’un communard touché par sa grossesse et son extraordinaire sang-froid. Après la chute de Robespierre, Mme de Staël exercera une influence considérable dans les coulisses du pouvoir. Son salon rue du Bac devient l’un des grands salons politiques de la capitale. Quelques années plus tard, quand Bonaparte s’empare du pouvoir, elle sera à nouveau prise dans la tourmente. Celui qu’elle accuse de trahir les idéaux de la Révolution voit d’un mauvais œil cette femme trop célèbre qui a l’outrecuidance de lui tenir tête. Malgré les vexations continuelles et les exils à répétition dont elle sera la victime, l’indomptable Mme de Staël ne capitulera jamais devant le despotisme napoléonien. Bannie de France et de tous les territoires sous occupation française, elle fera de son château de Coppet non seulement le centre névralgique de l’opposition à l’Empereur, mais ce que Sainte-Beuve appela lui-même « l’Élysée intellectuel de toute une génération ». [Sources : Michel Winock, Madame de Staël (Fayard, 2010) ; Gretchen Rous Besser, Germaine de Staël Revisited (Twayne Publishers, 1994).]
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