Chateaubriand François-René de – Mémoires d’Outre-tombe (tome VI)

Chateaubriand - Mémoires d'Outre-tombe (tome VI) - Bibliothèque numérique romande - Sylvie S. Valée du Rhône depuis le GrammontChateaubriand François-René de – Mémoires d’Outre-tombe (tome VI): « Vous qui aimez la gloire, soignez votre tombeau ; couchez-vous-y bien ; tâchez d’y faire bonne figure, car vous y resterez. » Ce sixième et ultime volume des Mémoires sonne en effet l’heure des bilans. Chateaubriand, qui n’a plus que sa plume pour vivre, est confronté à des difficultés financières croissantes. Pour payer ses dettes, il ne lui reste qu’une solution : honorer son contrat d’édition et achever le monument de près de trois mille pages qu’il érige depuis trente ans à sa postérité. C’est sans compter avec la duchesse de Berry, veuve du Comte d’Artois et mère du prétendant légitime à la couronne, retenue prisonnière à la forteresse de Blaye pour tentative de sédition.

Désavouée par les Bourbons et désespérée d’être séparée de ses enfants en exil à Prague avec la famille royale, elle se tourne vers Chateaubriand pour qu’il plaide en sa faveur et celle de son fils aîné, Henri. Malgré son âge et sa santé fragile, Chateaubriand obtempère aussitôt. Mandaté par l’imprévisible duchesse, il effectuera plusieurs missions qui l’amèneront à deux reprises à Prague, ainsi qu’à Venise. Ces déplacements, longs et fatigants, donneront lieu à de belles relations de voyage mais n’aboutiront à rien. Charles X refusera de reconnaître le remariage clandestin de sa belle-fille et continuera à lui interdire l’accès à ses enfants.

Ce fiasco diplomatique affectera beaucoup l’écrivain vieillissant. Il n’empêche que son empressement à servir une cause en laquelle il ne croit qu’à demi peut sembler paradoxal. En réalité, Chateaubriand est légitimiste par honneur et tradition familiale, mais aussi par protestation contre la monarchie de Juillet, qu’il considère comme une vaste imposture. Sa fidélité envers les Bourbons n’est cependant pas sans mélange. Malgré son respect pour Charles X, il a peu d’illusions sur une dynastie dont les derniers descendants se montrèrent top rarement à la hauteur des grands défis de l’histoire. S’il se porte dès lors au secours de la duchesse et de son fils aîné, ce n’est pas pour restaurer l’Ancien régime. Son rêve secret est au contraire d’influencer personnellement l’éducation du jeune héritier, dans l’espoir insensé qu’une fois rétabli sur le trône, le futur Henri V ait la sagesse d’en descendre de lui-même pour accorder à la France sa souveraineté. Un tel scénario ne devait évidemment jamais se réaliser. Qu’il ait été envisagé, même brièvement, montre bien qu’en dépit de ses désillusions et de son scepticisme, Chateaubriand reste assez lucide dans les dernières années de sa vie pour reconnaître que la France, à court ou à long terme, est vouée à un destin républicain.

« Je me suis rencontré entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves, écrit-il dans la conclusion de ses Mémoires ; j’ai plongé dans leurs eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue. […] Il ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l’éternité. » Le plus grand écrivain de sa génération s’éteignit à Paris le 4 juillet 1848, à l’aube de la deuxième république. « Cette disparition, qui aurait fait grand bruit en temps normal, passe presque inaperçue en raison des graves émeutes qui viennent d’ensanglanter la capitale […] L’inhumation a lieu au Grand-Bé, le 19 juillet, avec cette fois tous les fastes militaires et toutes les pompes religieuses, sans compter d’innombrables discours. Aucun des éloges prononcés alors et depuis ne vaudra celui que Chateaubriand a passé presque un demi-siècle à composer, cet hymne à sa louange que sont les Mémoires d’outre-tombe et qui le montre à la postérité tel qu’il s’est voulu, superbe, inspiré, génial, dominant les peuples et les rois auxquels, comme Jéovah sur le Sinaï, il a donné des conseils qu’ils n’ont pas suivis et des leçons qu’ils n’ont pas comprises. » (Diesbach 576).[Sources : Ghislain de Diesbach, Chateaubriand (Perrin 1995) ; Hans Peter Lund, “Chateaubriand et les ailleurs de l’écriture,” 47-79, in Chateaubriand, les Mémoires d’outre-tombe, 4e partie (Sedes 1990).]

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