
Verne Jules – Trop de fleurs ! «Seigneur, protégez-moi de mes amis: mes ennemis je m’en charge», citait ma grand-mère. Or c’est un ami, ou du moins l’adjoint au maire d’Amiens, municipalité socialiste où siège Jules Verne, qui l’aborde en pleine rue, un jour de décembre, pour solliciter de sa part un discours lors de l’assemblée générale de la Société d’Horticulture de Picardie de février. Un pas en arrière… puis deux autres… Mais Jules Verne, sans qu’une excuse polie lui vienne à l’esprit, n’a d’autre choix que d’accepter. C’est qu’il se déclare ignare en botanique, l’écrivain des Aventures extraordinaires, et considère que «Parler de fleurs, quand de les regarder devrait suffire, à quoi bon?» De cet embarrassant défi naîtra «Trop de fleurs!», un titre repris de Calchas dans La Belle Hélène, où Jules Verne surfera avec brio et humour sur la vague de son ignorance.
Dans ce court texte peu connu, retrouvé en 1979 par Francis Lacassin, Jules Verne prend le parti narratif en relatant ses recherches pour trouver un contenu à son futur discours et les gens qu’il rencontrera, les livres de botaniques qu’il consultera – non sans égratigner au passage avec ironie la barbare classification botanique – et tout son savoir trop vite accumulé qu’il oubliera aussitôt. Peut-on dire faute d’intérêt ? Car décidément, tout cela c’est «trop de fleurs!»
En 1891, pourtant, Jules Verne a bien trop à faire pour un discours. En plein travail sur son roman Claudius Bombarnac, il a encore sur sa planche d’écrivain la finalisation du tome 2 Mistress Branican et Le Château des Carpathes. Et il est, depuis 1888, conseiller municipal ce qui entraîne des discours comme celui-ci et de nombreuses autres obligations. Enfin, sa santé n’est pas excellente et son estomac le gêne. Les dettes de son fils, les suites des évènements de l’année 1886 (la vente de son yacht, l’attentat de son neveu qui l’a laissé boiteux) tout cela pèse encore sur sa disponibilité. Pourtant ce texte n’est pas le seul qu’écrivit Jules Verne sur la vie amiénoise: il y a, dans cette veine, «la Lettre à Théodore Jeunet, dit également Vingt-quatre minutes en ballon (récit d’une ascension éclair de septembre 1873 à bord du Météore, ballon de l’aérostier Eugène Godard); Une ville idéale (extrapolation onirique et science-fictive sur l’aspect d’Amiens en l’an 2000); Dix heures en chasse: simple boutade (où Jules dit tout le bien qu’il pense des chasseurs, une «babiole cynégétique» de 1881)» (François Angelier, Préface à l’édition de 2012 dont s’inspire également ce paragraphe.)
Téléchargements : ePUB – PDF – PDF (Petits Écrans) – Kindle-MOBI – HTML – DOC/ODT