Rilke Rainer Maria – Auguste Rodin

Rilke Rainer Maria -Auguste Rodin - Bibliothèque numérique romande - Gertrude Käsebier Portrait d’Auguste Rodin à MeudonRilke Rainer Maria – Auguste Rodin : Lorsque Rainer Maria Rilke (1875-1926) arrive pour la première fois à Paris, fin août 1902, il se sent immédiatement oppressé et fasciné par l’immensité anonyme de la grande métropole. Sa rencontre avec Auguste Rodin (1840-1917), quelques jours plus tard, n’est guère moins intimidante. Le poète de 26 ans ne connaît l’artiste que de réputation, à travers sa femme, la sculptrice Clara Westhoff (1878-1954), qui fut l’élève du maître en 1900. Le père de la sculpture moderne, âgé de 62 ans, est alors au sommet de sa gloire. D’accès difficile, il préfère généralement la compagnie de ses œuvres à celle de ses semblables. Pourtant, il comprend très vite que le jeune homme qui est venu sonner à la porte de son atelier, au 182, rue de l’Université, n’est pas un être comme les autres. Au fil des semaines et des mois se nouera entre eux une relation d’égal à égal.

Rodin lui fait connaître ses œuvres en chantier et évoque librement sa vie et ses combats. Lorsque Rilke, mis en confiance, lui parle des difficultés auxquelles il se trouve lui-même confronté dans son cheminement poétique, Rodin lui apprendra à voir autrement et lui transmettra sa discipline de travail, toute d’ascèse et de patience opiniâtre, que le poète adoptera pour le restant de sa vie.

L’essai qui résulte de cet échange intense n’a rien d’un froid traité d’histoire de l’art. C’est l’acte de foi d’un fervent disciple qui vibre au diapason de l’œuvre du maître et découvre dans ses créations une source intarissable d’inspiration. Que ce soit dans son évocation saisissante des mains qui peuplent l’œuvre de Rodin, dans sa façon percutante de résumer Le Penseur (« Son corps entier s’est fait crâne, et tout le sang de ses veines, cerveau ») ou encore dans le regard pénétrant et subtil qu’il pose sur Les Bourgeois de Calais et sur tant d’autres compositions, on sent que le poète se projette tout entier sur ces chefs-d’œuvre et guette à leurs surfaces ondoyantes et puissantes les signes d’une démarche créatrice qu’il reconnaît obscurément pour sienne.

Autour de Noël 1902, sitôt sa monographie terminée, Rilke quitte Paris pour séjourner en Italie, en Scandinavie et ailleurs en Europe. Mais la Ville lumière n’a pas fini d’exercer sa mystérieuse emprise sur le poète vagabond. En septembre 1905, à l’invitation de Rodin, il se rend auprès du sculpteur qui lui offre sur le champ le poste de secrétaire particulier. Rilke accepte sans se douter que cette tâche va bientôt lui dévorer son temps et provoquer des tensions qui aboutiront en 1906 à une rupture entre les deux hommes. Celle-ci ne sera toutefois pas définitive. En 1908, de retour à Paris devenu entretemps son port d’attache, Rilke loue un studio au dernier étage de l’hôtel Biron, dans le 7e arrondissement. Rodin, qui lui rend un jour visite, est si séduit par l’élégance de la propriété à l’abandon qu’il s’y installe aussitôt, faisant des jardins, du rez-de-chaussée et du premier étage un vaste espace d’exposition qui se transforme la nuit en un brillant salon où se croisent des personnalités telles que Cocteau, Catulle Mendès, Reynaldo Hahn, Isidora Duncan… Mais Rilke ne se mêle point à la foule bigarrée des convives, tant il travaille avec acharnement à ses Nouveaux poèmes. Ce recueil en deux volumes, complété dans un coin reculé du futur Musée Rodin, est significatif. Il confirme l’influence capitale des arts visuels sur la poétique rilkéenne et révèle à quel point la rencontre avec Rodin marqua un tournant décisif dans l’évolution esthétique de l’un des plus grands poètes de langue allemande du début du 20e siècle. [Sources : Rachel Corbett, You Must Change Your Life. The Story of Rainer Marie Rilke and Auguste Rodin (Norton 2016); Helen Bridge, “Rilke and the Visual Arts,” The Cambridge Companion to Rilke (Cambridge UP 2010, 145–158).]

Téléchargements : ePUBPDFPDF (Petits Écrans)Kindle-MOBIHTMLDOC/ODT

2 réflexions sur “Rilke Rainer Maria – Auguste Rodin”

  1. j’apprécie la forme des textes qui facilite la lecture…avec le respect du texte intégral. BRAVO à toute l’équipe et bonne continuation. et meri.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *