Chateaubriand François-René de – Mémoires d’outre-Tombe (tome II): « Chateaubriand ne serait jamais devenu l’écrivain que nous croyons connaître s’il n’avait pas eu à relever le défi de vie ou de mort que la Terreur lui a lancé. » (Marc Fumaroli)*. Le tome II des Mémoires d’Outre-Tombe en est un vibrant témoignage.
De retour d’Amérique, où il a passé cinq mois à explorer les forêts et les peuples du Nouveau Monde, Chateaubriand débarque au Havre le 2 janvier 1792, après avoir frôlé le naufrage au large des côtes normandes. Le sous-officier de vingt-deux ans retrouve une France transformée par la Révolution en marche. Nous sommes sous l’Assemblée législative. Louis XVI, Marie-Antoinette et leurs enfants, arrêtés à Varenne le 21 juin 1791, sont en résidence surveillée aux Tuileries. Danton et Marat demandent la déchéance du roi, tandis que les Autrichiens et les Prussiens se massent déjà aux frontières.
Royaliste par honneur plus que par conviction, Chateaubriand sait qu’il n’a d’autre choix que d’émigrer pour rallier l’armée des Princes. Mais avant de mettre sa vie au service des Bourbons, il se rend en Bretagne, où sa sœur Lucile insiste pour le marier à une orpheline de dix-sept ans, Céleste Buisson de Lavigne, jeune fille sans beauté, mais qui passe pour une riche héritière. Chateaubriand, perpétuellement à court d’argent, s’incline, mais sitôt le mariage contracté, il gagne Bruxelles et Coblence en compagnie de son frère. Gravement blessé à la bataille de Thionville, il est évacué à Jersey, puis en Angleterre, où il connaîtra de longues années d’exil et de misère, tandis qu’en France, sa femme, sa mère et ses deux sœurs sont jetées en prison. Son frère aîné, sa belle-sœur ainsi qu’une partie de la famille de celle-ci seront guillotinés le 22 avril 1794.
C’est à Londres que s’éveille sa vocation d’écrivain. En 1797, il publie un Essai sur les révolutions, œuvre de jeunesse dont l’impartialité heurte les cercles ultraroyalistes de l’émigration française. En 1798, apprenant la mort de sa mère et les larmes que son scepticisme lui aurait coûtées, Chateaubriand retourne à la religion de son enfance et entreprend d’illustrer ce qu’il appellera plus tard le ‘génie du christianisme’ ; il entame également une vaste épopée, inspirée par son voyage en Amérique, dont il tirera Atala et René.
Le 10 mai 1800, muni d’un faux passeport au nom de Jean-David Lassagne, natif de la principauté prussienne de Neuchâtel, Chateaubriand regagne enfin la France. Le pays le frappe par sa désolation. Il est d’autant plus choqué par la misère des campagnes qu’à Paris, les anciens révolutionnaires commencent à s’installer dans les grands hôtels du faubourg Saint-Germain, présageant « la métamorphose des républicains en impérialistes. »
Grâce à son ami et protecteur Fontanes, il se rapproche du Premier consul, qu’il voit encore comme un sauveur**. Il fréquente les salons parisiens, dont celui de Pauline de Beaumont, frêle rescapée de la Terreur, qui deviendra l’une de ses plus importantes maîtresses. Mais la gloire littéraire ne suffit plus à l’auteur d’Atala (1801), de René (1802) et du Génie du Christianisme (1802). Convaincu qu’il a sa pierre à ajouter à l’édifice d’un siècle né dans les cataclysmes de la Révolution, il aspire désormais à un poste dans le gouvernement. L’influent Fontanes, proche de la sœur de Bonaparte, intercède en sa faveur et le fait nommer secrétaire d’ambassade près le Saint-Siège en 1803. C’est de ce séjour à Rome – indissociablement lié au décès de Mme de Beaumont, qui l’y a rejoint alors qu’elle est déjà mourante –, que date le projet des Mémoires.
De retour à Paris, Chateaubriand attend sans enthousiasme de rejoindre la République du Valais, où le Premier consul l’a nommé chargé d’affaires, lorsqu’il apprend l’assassinat du duc d’Enghien (21 mars 1804). Face à ce coup de tonnerre politique qui révèle au grand jour le despotisme croissant du futur empereur, Chateaubriand démissionne immédiatement et passe dans l’opposition.
Le tome II des Mémoires s’achève sur son voyage en Italie, en Grèce et au Moyen-Orient, effectué de juillet 1806 à mai 1807 en compagnie de son domestique, Jacques Potelin, dont Chateaubriand cite le journal, créant un effet de dialogue où le valet donne la réplique à son maître.
*Chateaubriand. Poésie et Terreur (Gallimard 2006), 15 ; ** Ghislain de Diesbach, Chateaubriand (Perrin 1995), V.
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