Staël-Holstein Germaine de – Réflexions sur le suicide

Staël-Holstein Germaine de - Réflexions sur le suicide - Bibliothèque numérique romande - Louis-Ami Arlaud portrait miniature de Germaine de StaëlStaël-Holstein Germaine de – Réflexions sur le suicide : C’est pour les malheureux qu’il faut écrire; ceux qui sont en possession des prospérités de ce monde, ne s’instruisent que par leur propre expérience, et les idées générales en toutes choses ne leur paraissent que du temps perdu. Il n’en est pas ainsi de ceux qui souffrent: la réflexion est leur plus sûr asile, et séparés par l’infortune des distractions de la société, ils s’examinent eux-mêmes et cherchent, comme un malade qui se retourne dans un lit de douleur, quelle est la position la moins pénible qu’ils puissent se procurer.

L’excès du malheur fait naître la pensée du Suicide, et cette question ne saurait être trop approfondie; elle tient à toute l’organisation morale de l’homme. Je me flatte de présenter quelques aperçus nouveaux sur les motifs qui peuvent conduire à cette action, et sur ceux qui doivent en détourner. Je discuterai ce sujet sans malveillance comme sans exaltation. Il ne faut pas haïr ceux qui sont assez malheureux pour détester la vie; il ne faut pas louer ceux qui succombent sous un grand poids: car s’ils pouvaient marcher en le portant leur force morale serait plus grande.

Les personnes qui d’ordinaire condamnent le Suicide, se sentant sur le terrain du Devoir et de la Raison, se servent souvent, pour soutenir leur opinion, de certaines formes méprisantes, qui peuvent blesser leurs adversaires; elles mêlent aussi quelquefois d’injustes attaques contre l’enthousiasme en général à la censure méritée d’un acte coupable. Il me semble au contraire, que c’est par les principes mêmes du véritable enthousiasme, c’est-à-dire, de l’amour du beau moral, qu’on peut aisément montrer, combien la résignation à la destinée est d’un ordre plus élevé que la révolte contre elle. Je me propose de présenter la question du Suicide sous trois rapports différents: j’examinerai d’abord Quelle est l’action de la souffrance sur l’âme humaine; secondement, je montrerai Quelles sont les lois que la religion chrétienne nous impose relativement au Suicide, et troisièmement je considérerai En quoi consiste la plus grande dignité morale de l’homme sur cette terre.

«Savoir souffrir, telle est la question, romantique par excellence, à laquelle Germaine de Staël a consacré sa vie et son œuvre. Ses Réflexions sur le suicide, écrites pendant l’hiver de 1811-1812 et publiées en 1813, dans la douleur conjuguée de l’exil et du début de la vieillesse, témoignent d’une volonté de faire le bilan de sa vie et de son œuvre. L’ouvrage aborde par la philosophie un thème mais aussi une tentation qui aura ponctué l’ensemble de ses œuvres littéraires et de sa correspondance privée [… Dans cette ] contribution inédite à la pensée du suicide, l’originalité de la théorie de Staël sur la question tient à la place qu’elle réserve au concept d’enthousiasme, préconisé comme un usage spécifique de la souffrance. […] Ce serait «Staël contre Germaine», en quelque sorte: la philosophe contre la femme en proie aux peines de cœur, à l’exil et aux affres d’une vieillesse plus dure à vivre pour une femme que pour un homme dans un contexte de domination masculine. Dans Les Mots des femmes, Mona Ozouf trace le portrait d’une femme habitée par une profonde angoisse et habituée du chantage au suicide envers ses jeunes amants.» (Maxime Foerster, Suicide et enthousiasme chez Germaine de Staël in Romantisme 2016/3 (n° 173), pages 125 à 137 – Cairn.info)

édition partenaire LABEX OBVIL, Sorbonne Université (https://obvil.sorbonne-universite.fr/).

Illustration BNR : portrait miniature de Germaine de Staël par Louis-Ami Arlaud (1751-1829) (Papiers et correspondance de Madame Récamier).

Téléchargements : ePUBPDFPDF (Petits Écrans)Kindle-MOBIHTMLTXT

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *